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Soins de santé dans le monde : Inégalités de financement révélées par de nouvelles données

Suite à la Journée mondiale de la santé (7 avril), un appel à l’amélioration du financement de la santé publique

Une femme attendait dans un couloir de l’Hôpital Mulago à Kampala, en Ouganda, avant d'être vue par un médecin du Centre TASO Mulago situé dans cet hôpital, le 17 février 2025, journée de consultation au sujet du VIH. Le Centre TASO (abréviation de « The AIDS Support Organization ») est une organisation ougandaise de soutien aux personnes atteintes du sida, ou risquant d’être exposées au VIH. © 2025 Hajarah Nalwadda/Getty Images
  • De nouvelles données de l’Organisation mondiale de la Santé révèlent que dans de nombreux pays, le financement public des soins de santé n’est pas à la hauteur des obligations en matière de droits humains.

  • La grande majorité de la population vit dans des pays où le faible financement public compromet l’accès aux soins de santé. Parfois, cela s’explique par des contraintes majeures, telles que la guerre et la dette, mais souvent, les gouvernements n’en font tout simplement pas une priorité.

  • Les gouvernements devraient veiller à ce que chacun puisse jouir de son droit à la santé en réduisant la dépendance à l’égard de sources de financement régressives. Les gouvernements plus riches devraient soutenir les réformes fiscales appropriées et procéder à une restructuration ou à un allègement de la dette si nécessaire.

(Genève) - De nouvelles données de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) révèlent que dans de nombreux pays, le financement public des soins de santé n’est pas à la hauteur des obligations en matière de droits humains, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui.

La plupart des personnes ont un accès limité aux services de soins de santé, même ceux que les Nations Unies considèrent comme les plus « essentiels ». Alors que partout dans le monde, les systèmes de santé sont sous le choc suite au retrait soudain d’une grande partie l’aide étrangère des États-Unis, les gouvernements plus riches devraient envisager de restructurer ou d’alléger leur dette. Cette mesure, associée à des réformes fiscales adaptées, peut contribuer à améliorer le financement des soins de santé publics. 

« La grande majorité des gens dans le monde vivent dans des pays où leur accès aux soins de santé est compromis en partie par un faible financement public », a déclaré Matt McConnell, chercheur auprès de la division Justice et droits économiques de Human Rights Watch. « Parfois, cela s’explique par des contraintes majeures telles que la guerre et la dette, mais souvent, les gouvernements n’en font tout simplement pas une priorité. Dans tous les cas, les gens souffrent ».

Human Rights Watch a analysé la dernière Base de données mondiale des dépenses de santé de l’OMS en date, qui comprend des données sur les dépenses de santé de l’année 2022 pour plus de 190 pays dans le monde. Ces données montrent que le financement public des soins de santé s’est affaibli à mesure que la pandémie de Covid-19 se résorbait et que l’inflation mondiale augmentait. 

Le droit international dicte aux gouvernements l’obligation de respecter, de protéger et de garantir tous les droits économiques, sociaux et culturels, y compris le droit à la santé, qui nécessite l’accès à des établissements, des produits et des services de santé de qualité. Les pays doivent consacrer autant de ressources que possible à la promotion du droit à la santé et éviter tout retour en arrière, ce qui peut se produire lorsque les gouvernements réduisent le financement des systèmes de santé ou ne parviennent pas à répondre aux besoins croissants de leur population. 

La plupart des gouvernements ne dépensent pas suffisamment pour que les systèmes de santé puissent garantir le droit à la santé. En 2022, 141 gouvernements ont consacré moins de 5 % de leur produit intérieur brut (PIB) à la fourniture de soins de santé par des moyens publics. Ce pourcentage représente une référence internationale en matière de dépenses qui est largement acceptée pour évaluer les dépenses de santé. Cette année-là, environ 84 % de la population mondiale, soit 6,6 milliards de personnes, vivaient dans un pays où le financement des soins de santé publics n’atteignait pas ce seuil.

Les pays riches s’appuient généralement davantage sur des sources publiques pour financer les soins de santé que les pays pauvres. Mais le niveau de soutien financier public varie considérablement tant dans les pays riches que dans les pays pauvres, ce qui indique qu’il s’agit, au moins en partie, du résultat de choix politiques. 

De nombreux facteurs viennent brouiller la relation entre les dépenses publiques de santé et l’amélioration des résultats en matière de santé, notamment les déterminants sociaux et commerciaux de la santé. Mais ces données montrent également que des niveaux plus élevés de financement public sont généralement en corrélation avec un meilleur accès aux soins de santé.

Les réductions du financement public des soins de santé doivent être examinées au regard du respect des droits de l’homme et, à moins d’être pleinement justifiées par les gouvernements, comme souligné par le Comité des Nations Unies sur les droits économiques, sociaux et culturels, elles peuvent constituer des violations des droits de l’homme. 

En raison de l’insuffisance du financement public, la charge du financement des soins de santé est transférée aux individus et aux ménages, ce qui peut considérablement compromettre leur accès aux soins, en particulier pour les personnes à revenus faibles ou irréguliers. Dans de nombreux pays, y compris certains des plus pauvres du monde, de larges segments de la population n’ont pas d’autre choix que d’assumer eux-mêmes leurs frais de santé s’ils veulent être soignés. 

Ces obstacles à l’accès au soin fondés sur les coûts sont incompatibles avec les soins de santé en tant que droit humain pour tous. Ils peuvent aussi miner la capacité des gens à payer les biens et services essentiels à la réalisation d’autres droits humains, notamment le logement, l’alimentation et l’éducation.

Les ressources financières sont limitées et inégalement réparties, mais les données de l’OMS montrent que de nombreux gouvernements pourraient faire mieux. Si 17 gouvernements à faible taux d’imposition avaient porté leurs recettes fiscales à 15 % du PIB en 2022 — le « seuil de basculement » identifié par la Banque mondiale, qui est bien inférieur à la moyenne mondiale de 23 % du PIB — ils auraient pu collecter plus d’argent que nécessaire pour consacrer au moins 5 % de leur PIB aux soins de santé. 

De nombreux pays, en particulier dans le Sud mondial, sont confrontés à d’importantes contraintes financières et pratiques qui entravent le financement adéquat des soins de santé par des moyens publics. Certains pays riches peuvent avoir contribué à bon nombre de ces contraintes, notamment par l’expropriation forcée de ressources, et devraient envisager d’assumer une responsabilité particulière pour contribuer à les atténuer. 

En 2022, au moins 48 gouvernements à revenu faible ou intermédiaire ont payé plus pour le service de la dette à des créanciers étrangers que ce qu’ils ont dépensé pour les soins de santé de leur population. Toujours en 2022, les fonds provenant de gouvernements étrangers ou d’organismes intergouvernementaux tels que la Banque mondiale couvraient plus de 20 % des dépenses de santé dans 49 pays et constituaient le principal mécanisme de financement dans 16 pays, dont beaucoup connaissent aujourd’hui des déficits financiers suite à la suspension de l’aide et de l’assistance étrangères des États-Unis et à d’autres réductions potentielles de financement. 

En janvier 2025, le président américain Donald Trump a signé un décret suspendant environ 44 milliards de dollars d’aide et d’assistance à l’étranger, ce qui a engendré des perturbations dans l’allocation d’une somme estimée à 12,4 milliards de dollars à la résolution des crises sanitaires urgentes dans le monde. Bien que l’administration ait ensuite accordé des dérogations limitées pour permettre à certains de ces fonds de continuer à soutenir des programmes vitaux de protection et de promotion des droits humains, les effets de cette suspension se font toujours sentir et risquent de compromettre encore davantage le droit à la santé dans de nombreux pays. 

Les gouvernements s’appuient à des degrés divers sur les impôts pour financer les dépenses sociales. Pourtant, l’augmentation des recettes fiscales permet à la fois d’accroître les ressources financières disponibles pour les services sociaux tels que les soins de santé, de rétablir un équilibre dans la jouissance des droits et éventuellement d’améliorer la redevabilité des pouvoirs publics. 

Les gouvernements devraient garantir le droit à la santé. À cet effet, ils devraient réduire le recours à des sources de financement régressives telles que les frais à la charge des patients. Ils devraient également augmenter les recettes publiques destinées aux soins de santé en mettant en place un impôt progressif et en luttant contre la fraude fiscale, a déclaré Human Rights Watch. 

Ils devraient enfin garantir la transparence et la redevabilité du gouvernement en fixant des objectifs spécifiques pour leurs dépenses de santé, par exemple un seuil minimum de 5 % du PIB ou de 15 % des dépenses publiques, et en améliorant la collecte et la publication de données fiables sur les dépenses de santé qui permettent de suivre les progrès accomplis dans la réalisation de ces objectifs. 

Les gouvernements les plus riches devraient respecter leurs obligations de coopération et d’aide internationales. Les gouvernements créanciers devraient évaluer les conséquences que les paiements de la dette engendrent pour les capacités des gouvernements débiteurs à respecter leurs obligations en matière de droits humains ; ils devraient également proposer une restructuration ou un allègement de la dette lorsque cela est nécessaire pour permettre aux gouvernements débiteurs de financer de manière adéquate les soins de santé. Ces gouvernements devraient également soutenir les réformes des règles fiscales internationales axées sur les droits au cours des négociations en cours sur la convention fiscale de l’ONU, et apporter un soutien financier aux initiatives multilatérales en matière de santé mondiale, en particulier dans le contexte de la récente forte réduction de l’aide financière apportée par les Etats-Unis.

Les prochains mois offriront aux gouvernements de multiples occasions de progresser vers la réalisation du droit à la santé, notamment lors de la 78e Assemblée mondiale de la santé, qui se tiendra en mai, de la 4e Conférence internationale sur le financement du développement, en juin, et du 2e Sommet social mondial, en novembre. 

« Le fait de savoir qui paie et comment est un facteur clé qui rend les systèmes de santé plus ou moins résistants face aux types de chocs subis ces dernières années », a conclu Matt McConnell. « La réduction des inégalités dans le financement des soins de santé entre les pays et à l’intérieur de ceux-ci est essentielle pour mettre en place des systèmes de santé qui fonctionnent pour tous et pour faire en sorte que nous ne laissons plus des milliards de personnes de côté.

Analyse des nouvelles données de l’OMS sur le financement des soins de santé 

Comme l’a documenté Human Rights Watch en 2024, plus un pays utilise des sources publiques telles que les recettes fiscales ou les cotisations sociales pour ses soins de santé, moins son système de soins de santé est dépendant des paiements directement pris en charge par les personnes ou les ménages. 

Ceux-ci comprennent une série de frais tels que les médicaments en vente libre, les franchises et les quotes-parts pour les biens ou les services de santé. Tous les frais directement payés par les patients aggravent les inégalités en matière de soins de santé, car ils créent des obstacles à l’accès aux soins en fonction de la capacité à payer. 

L’OMS considère que « les dépenses de santé sont catastrophiques » lorsqu’un ménage doit consacrer plus de 40 % de son revenu global aux soins de santé une fois payés leur nourriture, leur logement et les services d’utilité publique. Selon les estimations de l’OMS, le risque que les individus d’un pays atteignent ce seuil catastrophique ne tombe à des niveaux négligeables que lorsque les coûts à la charge du patient ne dépassent pas en moyenne 15 à 20 % des dépenses de soins de santé totales d’un pays.

Les paiements directs ont financé plus de 20 % du système de santé dans 126 pays en 2022, soit 7 de plus que l’année précédente. En moyenne, seuls les pays à revenu élevé (18,4 %) ont maintenu les paiements directs sous la limite supérieure du seuil de risque de dépenses de santé catastrophiques, tandis que les pays à revenu intermédiaire supérieur (30,8 %), intermédiaire inférieur (35,6 %) et faible (42,6 %) affichaient des moyennes nettement plus élevées. 

En 2022, dans 55 pays, les paiements directs constituaient la principale source de financement des soins de santé, dépassant toutes les autres formes de financement public et privé générées au niveau national, ainsi que les sources de financement étrangères telles que l’aide et l’assistance. Dans 27 de ces pays, ils représentaient la majorité des dépenses de santé, soit plus de trois dollars sur quatre au Turkménistan, en Arménie, en Afghanistan et au Nigeria.

En 2021, année la plus récente pour laquelle on dispose de données complètes, il existait une relation modérée à forte entre la part des dépenses de santé d’un pays provenant de fonds publics et son indice de couverture sanitaire universelle (CSU). La CSU est un cadre élaboré par les Nations Unies pour mesurer l’accès aux soins de santé. Élément important du droit à la santé, l’indice de CSU de l’OMS permet d’évaluer les progrès des pays vers la réalisation de l’objectif de développement durable 3.8.1, qui porte sur la « couverture des services de santé essentiels ».

La plupart des pays n’atteignent toujours pas le seuil des 5 % du PIB

De nombreuses études réalisées par des économistes de la santé indiquent que pour réaliser la couverture sanitaire universelle (CSU), il faut généralement consacrer au moins 5 à 6 % du PIB aux soins de santé. 

Dans le même ordre d’idée, une analyse des nouvelles données de l’OMS (2022) met au jour une corrélation modérée à forte entre les dépenses publiques de soins de santé en pourcentage du PIB et la couverture des services de santé essentiels tels que mesurés par l’Indice sur la couverture des services de santé essentiels de l’OMS. Les pays qui atteignent l’indicateur de 5 % du PIB en 2022 sont également beaucoup moins susceptibles de dépendre des paiements directs des patients, intrinsèquement régressifs, pour financer leur système de soins de santé.

Au total, 141 gouvernements ont consacré moins de 5 % de leur PIB aux soins de santé en 2022. Seuls les pays à revenu élevé (5,8 %) ont dépassé en moyenne ce point de référence, par rapport aux pays à revenu intermédiaire supérieur (4 %), intermédiaire inférieur (2,4 %) et faible (1,2 %). En particulier, aucun pays à faible revenu n’a atteint le critère de référence.

À l’échelle mondiale, les dépenses publiques de santé en 2022 ne représentaient en moyenne que de 3,8 % du PIB. Bien que supérieure à la moyenne prépandémique de 3,5 % en 2019, cette proportion s’inscrit dans une tendance à la baisse d’une année sur l’autre depuis le pic de 4 % atteint au milieu de la pandémie en 2020. 

Les changements dans le financement public qui ont eu lieu lors de la pandémie n’ont pas été uniformément répartis. Entre 2019 et 2022, les dépenses de santé ont diminué en pourcentage du PIB dans 69 pays. Dans trois d’entre eux — Suriname, Îles Marshall et Costa Rica — elles sont passées de plus de 5 % du PIB à moins de 5 %.

L’évaluation des dépenses de santé en pourcentage du PIB permet de tenir compte des différences de taille des économies des pays, mais l’évolution du pourcentage dans le temps peut masquer une stagnation ou un déclin en termes absolus. Par exemple, si les dépenses en pourcentage du PIB restent inchangées alors que le PIB d’un pays diminue, les hôpitaux et les établissements médicaux peuvent recevoir moins de fonds. 

Certains pays les plus durement touchés par les crises économiques et politiques pendant la pandémie, comme le Liban et l’Afghanistan, ont connu une diminution de leur PIB et, proportionnellement, de leurs dépenses de santé publiques. Cela signifie que leurs dépenses de santé réelles ont baissé davantage que ne le laisserait supposer l’évolution de leurs dépenses de santé en pourcentage du PIB. 

Dans d’autres pays, le PIB a augmenté au cours de cette période, alors que le pourcentage de leur PIB consacré à leurs dépenses publiques de santé a diminué, comme en Guyane, en Irlande, au Bangladesh et en Tanzanie. Dans d’autres pays encore, les dépenses publiques ont augmenté plus rapidement que le PIB, ce qui témoigne d’une plus grande priorité accordée aux dépenses de santé, notamment dans de nombreux pays du Sud, tels que le Népal, le Bénin, la Côte d’Ivoire, le Zimbabwe et la Guinée-Bissau. 

La plupart des pays n’atteignent toujours pas le seuil de 15 % des dépenses publiques

En moyenne, le budget national d’un pays équivaut à environ un tiers de son PIB ; en 2022, il était de 33,5 pour cent au niveau mondial. Si le ratio budget/PIB d’un pays se situe autour de cette moyenne mondiale, 15 % de son budget national équivaudra à environ 5 % du PIB, soit le niveau d’investissement public qui correspond généralement à un meilleur accès aux soins de santé et à de meilleurs résultats. 

Cette mesure de 15 % du budget est un autre bon indicateur et un objectif pour les gouvernements qui cherchent à améliorer leur système de soins de santé. C’est en partie pour cette raison que les pays de l’Union africaine se sont explicitement engagés à respecter ce seuil de 15 % du budget dans la Déclaration d’Abuja sur le VIH/sida, la tuberculose et les autres maladies infectieuses connexes de 2001.

Pourtant, en 2022, 147 pays ont consacré moins de 15 % de leur budget national aux soins de santé. Cela signifie qu’environ 6,6 milliards de personnes, soit 83 % de la population mondiale, vivent dans un pays qui n’a pas atteint ce seuil.

En 2022, le financement public des soins de santé en tant que part des budgets nationaux était supérieur aux niveaux d’avant la pandémie. Au niveau mondial, la moyenne est passée d’environ 10,4 % en 2019 à 10,8 % en 2022. Mais l’augmentation observée durant la pandémie n’est pas uniforme. 

Évolution des dépenses de santé par habitant entre 2019 et 2022, corrigée en fonction de l’inflation

L’évolution des dépenses publiques de santé pendant la pandémie est plus frappante lorsque les données sont ajustées en fonction des variations de l’inflation, du pouvoir d’achat et de la croissance de la population. 

En moyenne, la valeur réelle — le pouvoir d’achat réel — des dépenses publiques de santé par habitant dans le monde a augmenté d’environ 27 % entre 2019 et 2022. Néanmoins, 37 pays ont enregistré une baisse de la valeur réelle de leurs dépenses de santé publique par rapport aux niveaux antérieurs à la pandémie, comme le Liban et le Malawi, où les dépenses ont respectivement diminué de 71 et 41 % entre 2019 et 2021. 

Les dépenses de santé en termes réels ont diminué dans 37 pays

Évolution des dépenses publiques de santé dans les économies locales, ajustées en fonction des variations du pouvoir d’achat (PPA/habitant)

Pays Variation en % 2019-2022 2019 2020 2021 2022

Dépenses publiques générales de santé (GGHE-D), en dollars internationaux courants (PPA) par habitant (gghed_ppp_pc)

Source: WHO GHED.

Le financement des soins de santé est un choix politique

En 2022, certains gouvernements ont alloué beaucoup plus de fonds publics aux soins de santé par rapport à la moyenne des pays pairs. En Gambie, par exemple, les soins de santé étaient financés à 46,9 % par des fonds publics, soit plus du double de la moyenne des pays à faible revenu (environ 22 %) et même plus que la moyenne des pays nettement plus riches et à revenu intermédiaire inférieur (environ 40 %). 

Différences dans les dépenses publiques de santé selon le groupe de revenu

Dépenses publiques de santé en pourcentage des dépenses publiques totales parmi les pays du même groupe de revenu, et différence par rapport à la moyenne des dépenses en 2022

En revanche, au sein d’un même groupe de revenus, certains gouvernements ont dépensé beaucoup moins que d’autres, notamment en raison de conflits armés ou d’importants bouleversements sociaux et économiques. D’autres ont pu être confrontés à d’autres contraintes qui ont rendu le financement des soins de santé difficile, notamment la dette publique.

Augmentation des recettes publiques destinées aux dépenses de santé

Il n’existe pas de référence fiscale internationale. La Banque mondiale a défini un seuil fiscal minimum de 15 % du PIB, appelé « point de basculement », au-delà duquel les pays à faible revenu sont mieux à même de passer au statut de pays à revenu intermédiaire. Mais ce seuil plutôt bas n’est peut-être pas adapté à tous les pays.

Selon les données de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), qui publie des données fiscales sur 130 pays, en 2022, les recettes fiscales totales équivalaient à environ 23 % du PIB en moyenne dans tous les pays (et 34 % pour la sous-catégorie des pays membres de l’OCDE). Seuls les pays à faible revenu (13,5 %) se situaient en moyenne en dessous de cet indicateur de 15 % du PIB cette année-là, tandis que les pays à revenu intermédiaire inférieur (17,3 %), intermédiaire supérieur (20,1 %) et élevé (32,0 %) se situaient au-dessus de cet indicateur. 

La comparaison entre les dépenses publiques de santé et le ratio impôts/PIB montre que les pays qui dépensent moins pour les soins de santé (par rapport à des références internationales) ont des recettes fiscales nettement inférieures. 

Parmi les 43 pays pour lesquels on dispose de données fiscales de l’OCDE et qui ont dépensé plus de 5 % de leur PIB en soins de santé en 2022, les recettes fiscales représentaient en moyenne 31,8 % du PIB. Les 87 pays restants n’ayant pas atteint ce seuil de 5 % en 2022 avaient des recettes fiscales équivalant à seulement 18,8 % du PIB en moyenne. 

En 2022, aucun pays dont les recettes fiscales étaient inférieures à 15 % du PIB n’a réussi à consacrer plus de 5 % de son PIB aux soins de santé. 

Nombre de ces gouvernements à très faible taux d’imposition pourraient augmenter de manière significative leurs dépenses de santé en portant les recettes fiscales juste au seuil de 15 % du PIB, qui n’est que légèrement supérieur à la moyenne actuelle des pays à faible revenu. 

Pour 17 de ces pays, présentés ci-dessous, l’augmentation des recettes fiscales à 15 % du PIB par rapport aux niveaux actuels pourrait générer suffisamment de fonds supplémentaires pour pouvoir pleinement consacrer 5 % du PIB aux dépenses de santé. Trente-cinq autres gouvernements pourraient atteindre le seuil de 5 % en augmentant leurs recettes fiscales jusqu’à la moyenne de leur groupe de revenus.  

De nombreux gouvernements à faible taux d’imposition y perdent

Si 17 gouvernements à faible taux d’imposition augmentaient leurs recettes fiscales jusqu’à 15 % du PIB, ils pourraient générer des recettes supplémentaires plus que suffisantes pour financer entièrement les dépenses de santé publique à plus de 5 % du PIB.

Pays Recettes fiscales courantes (% du PIB) Dépenses publiques de santé actuelles (% du PIB) Dépenses publiques supplémentaires pour atteindre 5% du PIB (USD/habitant) Fonds disponibles si l'impôt est porté à 15% PIB (USD par habitant)

Le gouvernement du Sri Lanka, par exemple, a généré l’équivalent d’environ 7,4 % du PIB au moyen de l’impôt en 2022, mais n’a dépensé qu’environ 1,8 % de son PIB en soins de santé. Pour atteindre l’objectif de 5 %, il faudrait augmenter les dépenses publiques de santé de 108 dollars par personne, alors qu’en augmentant les impôts de façon à atteindre 15 % du PIB, le pays pourrait générer 252 dollars de plus par personne. 

L’augmentation des recettes fiscales peut être politiquement et pratiquement difficile, en particulier pour les gouvernements à revenu faible ou intermédiaire qui sont confrontés à de fortes contraintes extérieures, notamment le nivellement par le bas mondial des taux d’imposition des sociétés et les conditions de prêt préjudiciables imposées par des acteurs tels que le Fonds monétaire international. En outre, certains impôts soutiennent mieux que d’autres la réalisation des droits. 

Par exemple, comme l’a récemment reconnu une déclaration du Comité des droits économiques, sociaux et culturels des Nations Unies, la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) est intrinsèquement régressive et peut en partie annuler les avantages de l’augmentation des dépenses sociales rendue possible par ces taxes. Il est donc important que les gouvernements veillent à ce que leurs recettes fiscales soient générées de manière équitable. Les États membres de l’ONU, qui négocient actuellement une première convention mondiale sur la coopération fiscale internationale, devraient également faire pression pour que la réforme des règles fiscales internationales tienne compte des droits humains.

L’endettement est un obstacle majeur aux dépenses de santé pour de nombreux gouvernements 

Une plus grande coopération internationale autour de la résolution de la dette publique est également essentielle si l’on veut aider les gouvernements à augmenter leurs dépenses de santé, car ces dettes entravent fortement les efforts de financement des services publics de nombreux pays, comme le Sri Lanka. 

De nombreux gouvernements dépensent des sommes considérables pour rembourser les dettes qu’ils ont accumulées au fil du temps, et le coût du service de cette dette publique peut souvent dépasser largement les dépenses publiques de santé. 

Le système de notification des débiteurs de la Banque mondiale dispose de données pour 116 des 132 pays à revenu faible ou intermédiaire. En 2022, pour 48 de ces pays, les dépenses (en dollars, et par habitant) destinées au service de la dette extérieure publique et garantie par l’État étaient supérieures à celles consacrées aux soins de santé. 

La Mongolie, par exemple, a dépensé 158 dollars par personne en soins de santé en 2022, ce qui équivaut à environ 3,1 % de son PIB. Mais cette même année, elle a dépensé l’équivalent d’environ 631 dollars par habitant pour rembourser ses obligations à l’égard de ses créanciers.

Les obligations liées à la dette extérieure peuvent peser lourdement sur la capacité de nombreux gouvernements à financer de manière adéquate les soins de santé. Sur les 141 gouvernements ayant dépensé moins de 5 % du PIB en soins de santé par des moyens publics en 2022, au moins 30 ont dépensé plus pour rembourser leur dette que pour atteindre ce seuil de 5 %. Par exemple, pour atteindre ce seuil, la Mongolie aurait dû augmenter ses dépenses de santé publique de 95 dollars supplémentaires par personne en 2022, soit seulement 15 % de ce qu’elle a payé aux créanciers cette année-là. 

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